Derrière les barreaux, des volontaires consacrent du temps à les rencontrer. Comment regardent-ils la personne au-delà de l’acte commis ?

Témoignage d’Albert Daburon et Marie-Odile Cochet, aumôniers catholiques à la maison d’arrêt.


On ne pose pas la question du pourquoi le délit ou le crime, souligne Albert en évoquant les rencontres hebdomadaires avec les détenus. Chaque semaine, Marie-Odile et Albert consacrent chacun une demi-journée aux visites. “Il y a parfois des moments lourds. Certains détenus ont besoin de parler ; ils leur histoire. je découvre des misères de toutes sortes : des jeunes en grande détresse, des problèmes de famille, d’alcool, de drogue. En entretien ils déposent leur vie.” Cette mère de 4 garçons se souvient de Loïc, qui lui racontait galère sur galère. Je cherchais une note optimiste dans ce parcours chaotique, quelle espérance transmettre ? A force d’écoute et de bienveillance, elle repère avec lui les belles solidarités qui se développent en prison. Loïc lui confie que c’est ici qu’il a appris à lire. Je suis toujours étonnée de la qualité de ces rencontres. Derrière les actes, il y a un homme. On n’est pas là pour juger, ça, c’est la justice qui s’en occupe.

Rester humble

Marie-Odile explique : “Quand tu vas à la prison, tu es obligé de te dépouiller. On laisse toutes ses affaires à l’entrée. Par cette démarche, je me mets au niveau des prisonniers. J’y vais avec beaucoup d’humilité : en tant que croyante, j’ai la conviction que je n’y vais pas seule. Je ne serai pas en mesure d’y aller sinon.”

Albert, lui prend toujours un temps de silence avant de rencontrer un détenu :“Je me mets à la disposition de ces personnes. Je les prends comme elles sont. Je suis là, je les écoute.” Il se souvient de Kevin, un jeune en pleurs devant lui : “ Je sais que j’ai fait une grosse bêtise. J’ai fait du bien aussi. Je ne veux pas qu’on me réduise à çà” raconte Albert, “il s’est senti respecté, petit à petit il a regagné confiance.” Créer un espace de parole qui rende possible l’expression de la haine, des regrets. apporter du réconfort, dans la mesure du possible. Dans ces moments-là, confie Albert, “je suis un homme à côté d’un homme.”

Respecter l’homme

Alors qu’il s’apprête à rendre à nouveau visite à Kevin, et pour l’aider à retrouver une certaine estime de lui-même, il a préparé cette phrase du psaume 139 : “C’est toi qui m’a tissé, tu as fait de moi une créature extraordinaire.”
Les détenus apprécient la lecture de la Bible et la célébration du dimanche matin. Benoît, l’un d’eux, en témoigne : “Ça m’apporte une certaine paix. Ça me permet de réfléchir et de poser ma vie.”
Albert garde en tête cette phrase de l’Évangile : “J’étais en prison et vous m’avez visité”. Jésus explique à ses disciples qu’à travers la rencontre des plus petits, c’est Lui que l’on rencontre. Albert aime se rappeler que “Jésus lui aussi a été considéré comme un malfaiteur.” Et que sur la Croix il a pardonné au “bon larron,” voleur condamné en même temps que lui. Albert n’oublie pas pour autant les victimes. Pour lui, tout l’enjeu est là : reconnaître l’acte et respecter l’homme. Alors seulement l’après devient possible.

témoignage recueilli par Isabelle Lafond, décembre 2017